Initiatives ministérielles
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Loi sur la représentation équitable
L'hon. Tim Uppal (ministre d'État (Réforme démocratique), PCC)
propose que le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la Loi électorale du Canada, soit lu pour la troisième fois et adopté.
M. Alexandre Boulerice (Rosemont—La Petite-Patrie, NPD):
Monsieur le Président, je voudrais d'emblée vous indiquer que j'entends partager mon temps avec ma collègue de Gatineau.
D'entrée de jeu, je ne peux pas m'empêcher d'aborder les propos de notre collègue de Saint-Laurent—Cartierville, qui annonçait de manière un peu populiste que les gens ne veulent pas voir davantage de politiciens. Je lui souligne que c'est d'abord parce qu'ils ne veulent pas voir davantage de politiciens libéraux. C'est un fait avéré depuis le 2 mai dernier.
Je ne voudrais pas enquiquiner mes collègues parlementaires avec quelque chose qui pourrait paraître frivole, mais qui me turlupine. C'est le débat en troisième lecture d'un projet de loi qui vise à modifier la Loi constitutionnelle de 1867. Encore une fois, les conservateurs bâillonnent les parlementaires, méprisent la démocratie et nous obligent à discuter d'un enjeu aussi fondamental que la représentation démocratique et l'équité entre les régions, les nations et les provinces de notre pays en une seule journée de débat.
Je m'excuse, mais ce n'est vraiment pas sérieux. C'est se moquer du monde. C'est considérer que le travail des parlementaires ne vaut rien. C'est vouloir imposer un bulldozer sur tous les projets de loi, comme ils le font depuis le début de la session. On est rendu à 10, 11 ou 12 bâillons. C'est difficile à suivre puisqu'ils en ont tellement. Ils n'aiment pas les débats et les discussions et ils ne sont pas à l'écoute. C'est un gouvernement déconnecté de la réalité. Le projet de loi conservateur vise essentiellement à corriger certaines iniquités en ajoutant des sièges. Mais dans un esprit où on bâillonne systématiquement les députés, à quoi cela sert-il d'avoir davantage de députés s'ils ne peuvent pas parler en Chambre? À quoi cela sert-il d'avoir plus de monde ici si les gens ne sont pas capables de faire leur travail parce qu'on ne leur laisse pas le temps de le faire? C'est une question essentielle à laquelle on n'a malheureusement pas encore eu de réponse.
Le projet de loi C-20 des conservateurs ne règle aucun des problèmes qu'il doit pourtant régler selon son intention. Les objectifs poursuivis ne seront pas atteints, les règles d'équité ne vont pas être rencontrées et les gens des provinces de l'Ouest, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario ne vont pas réussir à obtenir leur poids proportionnel dans cette future Chambre, tout en bafouant la position et le poids politique du Québec. Mais à cet égard, j'y reviendrai.
Au NPD, on n'a rien contre la règle fondamentale d'un citoyen, un vote. C'est une règle fondamentale et c'est normal. Je vais également prendre au bond le commentaire de mon collègue de l'autre côté, car on peut parfois s'entendre sur certaines choses. Cela pose effectivement un vrai problème si un député, un parlementaire, représente 100 000 ou 200 000 personnes. La charge de travail n'est pas pareille et n'est pas équitable. On est là pour rendre des services à la population et il faut avoir une répartition correcte entre le travail des différents parlementaires. Il y a un réel enjeu et une croissance démographique dans certaines provinces qui demande une correction pour que le travail soit plus équitable et que la charge de travail soit mieux partagée entre les parlementaires pour que les gens soient véritablement représentés. Encore faut-il que leurs représentants puissent faire leur travail. Mais c'est une question que j'ai déjà abordée.
Le respect de la règle d'un citoyen, un vote, est essentiel, incontournable et fondamental, mais ce n'est pas la seule et unique règle. Cela, la Cour suprême l'a déjà établi. La position néo-démocrate est basée sur le fait que les réalités sont multiples dans la fédération canadienne et que, par conséquent, on doit en tenir compte et sortir d'une vision avec des œillères portant sur la simple représentation mathématique pure. Pourquoi? Parce que la Cour suprême a reconnu qu'on pouvait reconnaître que des groupes d'intérêt particulier devaient avoir un traitement particulier. Ce n'est pas un privilège, c'est simplement reconnaître la réalité sociologique, historique et géographique sur le terrain.
Par exemple, les groupes d'intérêt particulier peuvent être la nation québécoise ou une province qui a une toute petite représentation, comme l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a des règles qui font en sorte qu'on ne peut pas avoir moins de députés que de sénateurs. On peut avoir des règles qui vont reconnaître la réalité des communautés autochtones ou du Nord, qui ne vivent pas la même réalité que les centres urbains. Il faut regarder cela d'une manière ouverte, large et inclusive, pour être en mesure de refléter les réalités des diverses parties de notre pays.
Le 27 novembre 2006, la Chambre adoptait une motion reconnaissant que le Québec formait une nation. Pour le NPD, cela veut dire quelque chose, cela doit dire quelque chose, cela doit se refléter dans des aspects concrets par gestes concrets. Malheureusement, ce qu'on a vu, depuis 2006, ressemble beaucoup à du vent et à des vœux pieux.
Le NPD a des initiatives pour que cette reconnaissance s'applique dans la réalité et ne reste pas théorique, au niveau des nuages. On a, par exemple, des projets de loi d'initiative parlementaire pour que le respect de la langue française s'applique dans les entreprises de compétence fédérale au Québec. C'est essentiel pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises et pour le fait français en Amérique du Nord.
On a également le projet de loi C-312 de notre collègue de Compton—Stanstead sur le maintien du poids politique du Québec au sein même de la Chambre à 24,35 p. 100, parce que c'était le poids politique du Québec, le 27 novembre 2006, quand cette motion a été adoptée à la Chambre. Selon nous, ce poids politique doit être défendu et maintenu pour refléter cette reconnaissance véritable.
Comment peut-on demander à des députés québécois de voter en faveur d'un recul de la force et du poids du Québec à la Chambre, alors que nous formons un des deux peuples fondateurs et que nous avons été reconnus comme nation? Je me demande comment mes collègues députés libéraux provenant du Québec sont capables de voter en faveur d'un recul pour le Québec. Ça m'étonne de leur part. Il faut sortir de cette vision étroite de la représentation qui serait purement et uniquement proportionnelle, parce que sinon on risque un glissement grave et une dérive vers la marginalisation du Québec, seul État majoritairement francophone en Amérique du Nord et ayant des responsabilités particulières. Il faut reconnaître cela.
C'est pourquoi les députés du NPD, du Québec et d'ailleurs, se tiennent debout pour le maintien du poids politique du Québec ainsi que pour l'augmentation du nombre de sièges des provinces ayant un accroissement important de la population, par souci d'équité dans leur charge de travail et dans les services rendus aux citoyens.
Si on reconnaît que les francophones sont un peuple fondateur de cette fédération, on doit revenir à la vision de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, le Commission Laurendeau-Dunton, qui s'est déroulée entre 1963 et 1971, à une époque où on prenait le temps de faire les choses convenablement et d'étudier à fond les questions jugées essentielles et importantes, et non pas, comme le fait le gouvernement conservateur, en limitant les débats et en bâillonnant toujours les députés. Pendant toutes ces années, on a étudié le bilinguisme et le biculturalisme, la reconnaissance des peuples autochtones, peut-être oubliés à cette époque mais pas aujourd'hui, et le fait qu'il y ait deux poids, deux langues, deux cultures dans ce pays. De plus, il y a maintenant une nation qui a été reconnue en 2006. C'était donc la reconnaissance de la dualité culturelle fondamentale de cette fédération, aujourd'hui bafouée par le projet de loi C-20. Elle est complètement ignorée par le projet de loi C-20, alors qu'elle est parfaitement reconnue par le projet de loi de mon collègue de Compton—Stanstead.
Si le Québec a effectivement une responsabilité unique dans la protection du fait français, la protection de la langue et de la culture doit faire en sorte que le Québec ne perde pas de place au sein de la Chambre et que son poids politique soit maintenu à 24,35 p. 100. C'est largement reconnu au Québec. Une de mes collègues citait une motion unanime de l'Assemblée nationale à cet égard. Le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, Yvon Vallières, disait également que les trois sièges proposés par le projet de loi C-20 pour le Québec étaient nettement insuffisants. Je prendrai quand même une partie du crédit en tant qu'opposition officielle néo-démocrate: si on n'avait pas insisté autant sur cette question, je ne suis pas certain que ces trois sièges auraient même été proposés au départ.
Le principe directeur de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme était un partenariat égal. Ce n'est pas du tout ce qu'on voit dans la proposition des conservateurs. On n'y reconnaît pas l'obligation de la défense du fait français en Amérique du Nord ni les responsabilités particulières et historiques du gouvernement du Québec.
En tant qu'opposition officielle, en tant que néo-démocrates, en tant que gens qui ont à cœur l'inclusion de toutes les parties de cette grande fédération, nous ne pouvons pas appuyer un projet de loi comme le projet de loi C-20. Nous en appelons à une vraie réforme démocratique qui serait une réforme du mode de scrutin, c'est-à dire un mode de scrutin proportionnel pour que toutes les voix politiques de ce pays soient bien entendues. Ce sera le débat d'une autre journée.
L'hon. Stéphane Dion (Saint-Laurent—Cartierville, Lib.):
Monsieur le Président, c'est la première fois que j'ai la chance d'échanger avec mon collègue dans cette Chambre et j'en suis très heureux. Je le remercie de son discours.
Cependant, j'ai toujours le même problème. Le NPD n'est pas le Bloc. Le NPD veut faire face aux difficultés de toutes les provinces de ce pays et veut trouver des solutions pour tout le monde. C'est tout à fait honorable. Alors il faut qu'il nous montre comment cela va fonctionner. Le député a dit que c'était important de corriger la sous-représentation de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, qui sont aujourd'hui les entités fédérées les plus sous-représentées du monde démocratique. En cas de poursuite, on serait même probablement dans la zone anticonstitutionnelle.
Or si on adopte son plan et qu'on ajoute aux 30 sièges des conservateurs davantage de sièges pour le Québec pour le maintenir à 24,35 p. 100, le problème demeure que l'Ontario, au lieu d'être à 36 p. 100 — comme c'est le cas avec le projet conservateur ou le projet libéral —, tombe à 35 p. 100. D'autre part, l'Alberta garde le même pourcentage que si on n'avait pas ajouté ces 30 sièges. On se retrouve donc avec 36 sièges et ce n'est pas suffisant. Il faut ajouter des sièges à ces provinces et, ce faisant, le Québec retombe en bas du 24,35 p. 100. On a donc avec un problème d'ajustement qui fait en sorte que même en allant jusqu'à 350 sièges, la Chambre ne remplit pas toutes les règles que le député a mentionnées.
J'aimerais donc savoir comment fonctionnera le plan du NPD? À combien de sièges faudrait-il hausser le nombre de députés en cette Chambre?
Monsieur le Président, j'ai des visions étranges. Je remercie notre collègue de Saint-Laurent—Cartierville de cette question effectivement fort pertinente.
Toutefois, c'est comme si on évacuait un principe essentiel, soit la reconnaissance de la nation québécoise et le maintien du poids politique du Québec, pour une question purement mathématique. On n'a pas une vision figée dans le temps. On a une vision inclusive, respectueuse de l'évolution démographique de ce pays, respectueuse de la reconnaissance de la nation québécoise et on ne peut pas figer cela dans le temps.
Je trouve déplorable que le projet libéral vise à déshabiller Jean pour habiller Jacques, ce qui n'est pas non plus une solution viable.
[Traduction]
M. Jack Harris (St. John's-Est, NPD):
Monsieur le Président, j'ai écouté le député de Saint-Laurent—Cartierville nous parler de ses préoccupations à propos du projet de loi et de notre plan. Je ne pense pas que nous ayons besoin de 350 députés à la Chambre, mais dans son allocution, le député de Saint-Laurent—Cartierville a évoqué le plan des libéraux qui consiste à réduire le nombre de députés et à apaiser les inquiétudes portant sur les coûts.
Je me demande si le député de Rosemont—La Petite-Patrie voudrait bien nous expliquer la différence entre ce que coûteront les sièges additionnels qui pourraient découler du projet de loi et ce que coûte le Sénat, une institution non démocratique et non élue qui ne semble pas avoir de rôle à jouer dans la réforme démocratique que proposent tant les conservateurs que les libéraux.
Il doit bien y avoir une façon plus facile de résoudre le problème de ces coûts.
[Français]
Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question effectivement fort pertinente.
Avec ce projet de loi, les libéraux ont une approche un peu populiste, laissant entendre que des députés ou que la démocratie coûtent trop cher et qu'il ne faut pas dépenser d'argent à cet effet. À notre avis, en tant que démocrates, c'est un discours qui peut être récupéré de manière extrêmement dangereuse.
La question des coûts est importante parce qu'on veut bien gérer l'argent du public et on ne veut pas faire de gaspillage. Cependant, regardons la représentation démocratique. Nous sommes les représentants du peuple. Nous avons un mandat. Nous pouvons être démis si les gens sont insatisfaits de nous. Nous l'avons vu, cela arrive régulièrement. Nous avons même eu des surprises à cet égard. Toutefois, nous avons une légitimité, ce que les sénateurs n'ont pas puisqu'ils sont nommés.
Si on parle de coûts, je me demande pourquoi le Parti libéral veut maintenir un Sénat qui a coûté 107 millions de dollars l'année passée. Pourquoi ne pas abolir le Sénat, comme le NPD le propose, récupérer cet argent et l'investir en partie pour avoir plus de mandataires légitimes démocratiques du peuple, ici, dans cette Chambre?
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