jeudi 15 septembre 2011

L'avenir du NPD

Libby davies
Ce texte est de Libby Davies, chef adjointe du NPD et critique en matière de santé. Libby est députée de la circonscription de Vancouver est.
Nous vous invitons à le lire. Il est fort inspirant et confère un éclairage lucide sur la situation actuelle.
Ce texte a été publié le 5 septembre 2011 en anglais sur le site rabble.ca


Jack Layton a eu une très grande influence sur la politique canadienne et a réussi à toucher l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Quiconque affirme le contraire n’a certainement pas prêté attention à la réaction des Canadiens de tous les milieux et de partout au pays à l’annonce de son décès.
Comme beaucoup de gens, et malgré les nombreuses demandes des médias qui continuent à chercher la nouvelle, soulevant des questions de leadership, de fusion et d’autres enjeux, j’ai pris le temps de réfléchir à ce qui s’est passé ces dernières semaines, et à ce que cela signifie.
Je ne veux pas passer à autre chose trop rapidement et perdre de vue ce qui s’est passé sans réfléchir à la façon dont les récents événements nous ont influencés. Une lettre parue récemment dans le Globe and Mail posait la question suivante : « Comment se fait-il que nous aimons autant Tommy Douglas et Jack Layton, mais que nous votons pour Stephen Harper? » Une très bonne interrogation qui soulève des questions quant à notre vision de la politique canadienne et aux contradictions avec lesquelles nous vivons.
Certains affirmerons que, bien que la vie et la mort, ainsi que le courage personnel de Jack Layton ont profondément touché les gens au niveau émotif, en fin de compte la vie (politique) va continuer sans grand changement. Je ne souscris pas à ce point de vue. Mais je crois que si nous n’agissons pas de manière proactive pour relever le défi que Jack nous a lancé, nous risquons de retourner rapidement à nos vieilles habitudes.
Cela est surtout vrai pour celles et ceux d’entre nous qui sommes impliqués dans le travail du NPD ou qui avons des liens avec le parti, alors que nous risquons d’être emportés par une course à la chefferie aussi nécessaire qu’importante. Cette course sera nécessairement compétitive, une situation qui peut faire ressortir à la fois nos meilleurs et nos plus sombres côtés.
J’ai participé à la course à la chefferie en 2002-2003, qui s’est conclue par l’élection de Jack à la tête du parti. Dès le départ, on a tenté de le décrire comme un candidat en marge du parti, bénéficiant seulement de l’appui de deux membres du caucus. Mais il a su bâtir autour de lui
une équipe solide, rassembler les gens, et aller au-delà de ce qu’on attend normalement d’un membre du parti. Déjà à l’époque, il a su présenter de nouvelles et audacieuses idées.
Jack a également su incarner avec succès la vision de la Nouvelle Initiative Politique, une nouvelle approche innovatrice mise de l’avant par des activistes clés à la fois membres et non-membres du parti, dont le souhait était de développer une nouvelle manière progressiste de faire de la politique, à la fois pour le parti et pour les mouvements sociaux en général.
Sa grande capacité à rassembler autour de lui un caucus solide et à entreprendre un dialogue progressiste avec la province de Québec sont des éléments centraux de l’héritage politique qu’il nous a légué.
La question maintenant est de savoir si cet héritage va rester. Si les grandes idées qu’il avait et sa vision d’un meilleur Canada, si bien décrite dans sa dernière lettre, réussiront à survivre dans notre système politique impitoyable et même au sein du NPD. Je crois que plusieurs Canadiens souhaitent réellement que l’on poursuive sa vision, et qu’elle devienne aussi concrète que possible. Concrète au quotidien, dans la façon dont nous prenons soin les uns des autres. Concrète au niveau mondial dans nos efforts pour construire un monde meilleur.
Le défi aujourd’hui est que celui qui nous a montré que cette vision d’un monde meilleur est bel et bien possible n’est plus ici pour faire progresser les choses. C’est à nous qu’il a dû confier cette tâche.
Nous sommes donc face à un choix : mettre dès maintenant en pratique les idées qui nous ont tant touchées au cours des dernières semaines, ou ne rien faire et laisser ces idées disparaître graduellement tandis que les arguments et les pratiques traditionnelles reprennent le dessus.
Si nous décidons plutôt de choisir la voie de l’espoir et de relever le défi que Jack nous a lancé, je crois qu’il y a trois choses auxquelles nous devons porter attention dans l’immédiat :
1. Pour ceux d’entre nous qui sommes membres du NPD, nous devons faire face à la course à la chefferie qui est déjà entamée. La façon dont nous allons gérer cette course et notre façon de nous comporter seront des éléments critiques pour le futur du NPD. Ce qui est important n’est pas tellement qui gagnera la
course et qui perdra, même si bien sûr ces questions sont importantes. Ce qui est primordial pour l’instant c’est comment nous abordons la question du leadership. Nous devons mettre de côté les faux discours (par exemple ceux qui soutiennent que ce sera une bataille pour ou contre le Québec), et s’adresser à un ensemble politique plus large avec un discours qui cherche à bâtir l’unité et mise sur nos valeurs progressistes communes. Trop souvent la gauche politique n’a pas su profiter des moments ou des opportunités de changement ou d’avancement qui se sont présentés et que nous avons gaspillés ou que nous n’avons simplement pas saisis.
La course à la chefferie représente une telle opportunité. Il est de notre responsabilité de ne pas la rater. Misons par conséquent sur une course à la chefferie qui soit ouverte, respectueuse et dynamique. Faisons en sorte que cette course se concentre sur les idées nouvelles, sur notre futur, et sur une nouvelle façon d’aborder nos valeurs en tant que Canadiens et la place que nous souhaitons occuper dans le monde. Faisons en sorte que les débats se penchent sur la façon dont nous pratiquons la politique et les relations que nous bâtissons. Faisons en sorte qu’elle porte sur la diversité des opinions et des expériences, qu’elle mise sur l’écoute des gens, particulièrement ceux qui n’ont pas souvent la chance d’être entendus.
2. La course à la chefferie nous gardera très occupés et attirera beaucoup d’attention, mais n’oublions pas que nous sommes l’opposition officielle. Comme vous tous, je sais que les enjeux sont très élevés. Les médias nationaux scrutent nos mouvements à la loupe comme jamais auparavant (j’ai bien appris cette leçon avec la récente motion 141). Nous avons maintenant un gouvernement conservateur majoritaire qui fait face à trois partis d’opposition sans chef permanent, et qui entrevoit déjà des gains faciles à l’horizon. Pour ceux d’entre nous qui sommes membres du caucus fédéral du NPD, nous devrons nous impliquer plus que jamais dans les activités du Parlement.
Je repense à ce que Jack nous a dit au début de cette 41ème législature, lorsqu’il nous a exhorté à restaurer le décorum et le respect en Chambre. Je me rappelle de Bob Rae qui nous a alors ridiculisés, et qui a ridiculisé Jack pour ses principes. Pourtant, nous avons su écouter Jack, et le ton du Parlement a en effet changé et, de manière surprenante, on s’est pour la première
fois écoutés parler. Et nous avons écouté plus attentivement. Il s’agit d’un petit pas en avant, mais en même temps d’un important progrès. Nous devons nous assurer que cela continue.
Il est possible d’être à la fois ferme et respectueux. D’être coriace tout en adhérant à des principes fondamentaux. Ces valeurs ne sont pas mutuellement exclusives, et il n’est pas nécessaire de recourir aux chamailleries comme plus bas dénominateur commun. Lorsque les travaux du Parlement reprendront le 19 septembre, cela signifiera pour nous l’opportunité de nous présenter comme une opposition officielle crédible et forte. Battons-nous pour ce qui est juste, et forçons le gouvernement à rendre des comptes, en sommes, jouons notre rôle d’opposition officielle.
3. Le troisième point qui nécessite notre attention immédiate est selon moi également le plus important. Il englobe ce pour quoi Jack s’est à mon avis le plus battu. Il n’y a pas de doute que Jack désirait instaurer une nouvelle façon de faire de la politique. Il a œuvré toute sa vie pour concrétiser ses idées dans la réalité. Il avait une vision d’un Canada plus inclusif et équitable, et il était prêt à travailler avec les autres pour parvenir à cette fin.
Cependant, une possible fusion (un terme du monde corporatif) ne sont pas la bonne façon d’atteindre cette vision, et ce n’est pas quelque chose auquel j’accorde mon appui. Je crois que ce qui peut concrétiser cette vision, c’est le travail acharné, et le dialogue avec les Canadiens, dans un processus politique plus participatif et plus démocratique. Mettons de côté les élites et promouvons la participation de tous. Reconnaissons que nous vivons effectivement dans une société marquée par les différences de classe, de races et de genres, mais que notre travail politique devrait être ouvert à tous et faire la promotion de changements visant à transformer notre société en une société plus juste et plus compatissante, une société qui a le sens du partage.
Cela signifie reconnaître les changements structurels qui sont requis, tels que la réforme électorale et un système d’imposition plus juste. Cela signifie également rendre nos actions et nos principes plus audacieux : pour défendre les services publics, pour s’opposer avec force à la guerre et à l’oppression, et défendre des principes de bases comme la dignité humaine et la justice environnementale et sociale. Cela signifie reconnaître que
nos dirigeants n’ont pas un monopole sur les décisions concernant ce qui doit être fait. Regardons du côté de la vraie vie, reconnaissons l’énergie de nos jeunes et la sagesse collective des communautés locales, où plusieurs changements sont en cours qui doivent être soutenus pour devenir durables.
C’est très impressionnant de voir toutes les initiatives qui se sont mises en branle au cours des dernières semaines, telles que la campagne Turning Point du site Leadnow.ca, un effort pancanadien visant à aller au-delà du Parlement et de se tourner plutôt vers les gens pour obtenir la transformation politique souhaitée.
Les dernières semaines ont été pour tellement de gens une période de tristesse et de deuil. Mais elles ont également été une période d’inspiration, de détermination à ce que l’héritage reçu et l’espoir que nous partageons tous pour ce pays continuent d’être honorés.
J’espère vraiment que nous ne gaspillerons pas cette occasion, que nous travaillerons encore plus fort, en tant que parlementaires, en tant qu’activistes, en tant que Québécois, en tant que Canadiens et nouveaux Canadiens, pour transformer les mots en actions, mettre les idées en pratique.
Nul n’est parfait et personne ne détient toutes les réponses mais, si nous travaillons ensemble, nous avons une chance de changer le monde et notre pays pour le mieux.
Merci à Jooneed Khan pour son aide avec la traduction.
Libby Davies

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